INTRODUCTION
Les représentations iconographiques les plus anciennes illustrant la culture ancestrale des îles Marquises datent du passage du capitaine Cook à Tahuata en 1774.
Depuis lors, au fil de leurs escales, de nombreux artistes navigateurs de talent sont venus enrichir cette collection émouvante qui nous permet de toucher des yeux un passé précieux désormais révolu.
1) - En 1842, Max Radiguet est secrétaire de l’amiral Abel Dupetit-Thouars. De son journal de bord, naît un ouvrage de référence « Les Derniers Sauvages ». Outre la relation des différentes étapes de l’annexion des îles Marquises par la Marine française, l’auteur-artiste y dépeint avec précision les habitants dans une soixantaine de dessins ou aquarelles fourmillant des détails d’importance.
En effet, les personnages représentés faisaient le plus souvent partie de la classe tapu, celle des familles de chefs/hakaìki et des grands-prêtres/tāuà. Pour leurs descendants éventuels, et les Marquisiens en général, certaines de ces illustrations permettent donc de mettre un visage sur le nom d’un personnage célèbre dont ils sont issus.
2) - Parmi les illustrations laissées par Max Radiguet, et pour les lecteurs attentifs de l’Histoire des Marquises, il en est une en particulier qui pose question, car sa légende varie selon les éditions. Il est donc difficile d’en reconnaître le lieu et les protagonistes.
Le but de cet article est donc d’observer les propositions faites dans les différents ouvrages où figure cette illustration, de les comparer à d’autres témoignages et d’essayer d’authentifier lieux et protagonistes.
Dans la même veine, la deuxième partie de l’article nous conduira à découvrir une série de portraits du chef Pakoko dont la légende inexacte de la même illustration de Radiguet nous avait donné une image erronée.
I) - QUESTIONS AUTOUR DE LA LÉGENDE D’UNE ILLUSTRATION DE MAX RADIGUET EN 1842
Avant 2007 et l’installation de l’ADSL aux Marquises, il ne fallait pas compter sur internet pour développer ses connaissances.
En 1999, la publication de la traduction française de « Marquises 1774-1880, réflexion sur une terre muette » de Greg Dening fut un événement historico-culturel salué par tous ceux qui s’intéressent au passé de la Terre des Hommes.
Outre la réflexion profonde menée par l’auteur sur le processus de décomposition de la société ènana/ènata ancienne, les lecteurs impatients furent à même d’y découvrir une foule d’illustrations aussi émouvantes qu’inédites ne figurant pas dans l’édition originale anglaise de 1980.
1) - À la page 227, on peut y admirer la photo prise à Taiohae en 1893
On peut trouver l'historique de la photo ci-dessus en cliquant ici.
2) - À la page 271, on est touché par la tristesse émanant de cette photo prise à Tahuata en 1870 (*la légende dit 1880) par Paul-Émile Miot, officier à bord de l’Astrée. La légende dit « Le roi de Vai-Tahou (Vaitahu) et la famille royale à bord de l’Astrée ».
3) - Enfin, page 217, on découvre une scène tout aussi inédite dont la légende explique qu’il s’agit de « Dupetit-Thouars à Taiohae en 1842, par Max Radiguet ».
A) - À quel endroit cet événement s’est-il vraiment déroulé ? Nuku Hiva ou Tahuata ? Taiohae ou Vaitahu ?
Comme signalé plus haut, faute d’accès à une information plus disponible, les lecteurs, dont je faisais partie, s’en sont tenus là ; d’autant que l’ouvrage de Max Radiguet d’où est extraite l’illustration, était épuisé en librairie depuis fort longtemps.
Puis, des questions se sont fait jour. Si l’homme assis sur une chaise à droite était l’amiral Dupetit-Thouars, qui étaient les deux ènata assis sur le sofa ?
Pour s’entretenir ainsi avec l’amiral, ce ne pouvait être que des chefs, des hakaìki ; seul un chef aurait pu arborer un uniforme français comme le personnage de gauche. Le couvre-chef paèkouaèhi et l’éventail tāhii de l’homme vu de face montraient qu’il était grand-prêtre tāuà, et peut-être chef aussi. Qui étaient-ils vraiment ?
Le 26 mai 1842, de nombreux chefs de la côte sud de Nuku Hiva sont réunis à bord de la Reine-Blanche pour rencontrer Dupetit-Thouars. À la page 79 de son livre, Max Radiguet nous donne une description qui rappelle les deux ènana mentionnés plus haut.
« On distinguait plus particulièrement dans ce groupe un guerrier nommé Pakoko. Il avait pour diadème un rameau de cocotier dont les feuilles lui ceignaient la tête et se rejoignaient sur l’occiput. Cette coiffure élevée par-devant, en forme de mitre, accompagnait noblement le visage calme, énergique et fier du chef canaque. Une impériale blanche, semblable à une longue houppe de coton, lui descendait sur la poitrine. Un autre personnage attirait aussi l’attention : c’était Niehitu, oncle et tuteur de Te-Moana. Son visage seulement était rayé de bandes bleues passant sur les yeux et sur la bouche. La couleur rouge du reste de son corps et son obésité en faisaient un magot de taille naturelle que n’eussent désavoué ni l’Inde ni la Chine. »
Si ces descriptions ressemblent bien aux portraits des deux Marquisiens, pourquoi Dupetit-Thouars aurait-il pris le temps de s’asseoir avec Pakoko et Niehitu alors que c’était Temoana le chef-hakaìki ? Sans précision du nom des personnages ènana dans la légende de l’illustration, les lecteurs ont extrapolé, pensé et dit qu’il s’agissait de Temoana et de Pakoko.
Personnellement, je l’ai longtemps cru. D’autant que la traduction de l’ouvrage de Dening concerné avait été menée par feu Mgr Hervé Le Cléac’h dont la connaissance des Marquises ne pouvait être mise en cause.
Et pourtant, les recherches et les lectures effectuées après coup m’ont amené à douter.
À mon retour en France en 2001, je me suis mis à l’informatique et je me suis familiarisé avec internet. Le premier ouvrage que j’ai commandé chez « Amazon » fut le journal de Max Radiguet « Les Derniers Sauvages » dans une édition de 1929. Tout au début de l’ouvrage, on trouve la scène ci-dessus, appelée Planche III, et dont la légende dit « L’amiral Dupetit-Thouars chez le roi Iotete ».
La même année, sortait une édition moderne de l’ouvrage aux éditions Phébus. À la page 128, on trouvait l’illustration ci-dessus avec la légende « L’amiral Dupetit-Thouars (assis à droite) en conversation avec le roi Iotete ».
Après mon départ à la retraite en 2009 et, plus particulièrement après 2012, en plus de la langue, j’ai fait porter mon travail sur l’histoire des Marquises, et j’ai relu tous les ouvrages mentionnés plus haut. C’est alors que me sont réapparues les divergences de légende.
Dans « Les Derniers Sauvages », Max Radiguet relate, en outre, les différentes étapes de l’annexion des Marquises : ce sont ses propres descriptions qui vont nous aider à y voir plus clair.
B) - À qui appartenait la maison qui sert de cadre à la rencontre ? À Temoana ou à Iotete ?
1) - Vaitahu à Tahuata ?
Fin avril 1842, la Marine française arrive à Vaitahu sur l’île de Tahuata. À la page 40, nous apprenons que, après avoir rendu visite aux missionnaires français, Dupetit-Thouars se rend chez le chef Iotete qui occupe l’ancienne maison des missionnaires anglais. « Cette maison, située au sud de l’anse, dans un enclos bien ombragé, était construite en planche et bâtie avec soin ».
2) - Taiohae à Nuku Hiva ?
Un mois plus tard, Max Radiguet accompagne l’amiral Dupetit-Thouars à Taiohae sur l’île de Nuku Hiva. Les jours suivants, il visite la baie et passe devant la maison de Temoana, chef des vallées Meau et Hoata. Voici ce qu’il en dit : « La maison de Te-Moana, placée au nord-ouest de la baie, a été bâtie par l’équipage de je ne sais quel navire. C’est une maçonnerie dont la façade est percée d’une porte et de deux lucarnes. […] On trouve à l’intérieur pour tout mobilier une table et deux escabelles grossières. Des nattes servent de lit, des tapas roulées de traversin. Dans un coin, bon nombre de bouteilles vides attestent les habitudes du maître de ce logis. Puis on voit, accrochés à la cloison, des oripeaux et la défroque européenne du chef : c’est tout ».
Sur cette seconde illustration en noir et blanc, outre le sofa et la chaise stylée, on remarque un miroir au mur et, au sol, un tapis dont les motifs apparaissent nettement. Or, aucun de ces articles n’est mentionné par Radiguet comme se trouvant dans la maison de Temoana.
Si l’on considère que seuls les chefs et les missionnaires avaient une maison à l’occidentale, celle-ci ne peut être celle de Temoana. Conformément à la légende des deux ouvrages de Radiguet, la scène pourrait donc bien se dérouler chez Iotete à Vaitahu et non à Taiohae.
C) - Est-il possible d’identifier les personnalités ènana/ènata représentées ?
1) - Côté Nuku Hiva : portraits de Temoana, chef des Teii de Taiohae
Si, contrairement à ce qui est écrit dans « Marquises 1774-1880 » de Dening, la scène se déroule à Tahuata, il ne peut s’agir ni de Temoana, ni de Pakoko.
De plus, le portrait que fait Radiguet de Temoana ne correspond pas non plus aux personnages de l’illustration. Les descriptions physiques et d’autres illustrations de Radiguet viennent conforter cette thèse.
Lors de la réunion du 26 mai 1842, faisant allusion à Temoana, Max Radiguet écrit que c’est un jeune homme de vingt ans environ aux traits négroïdes, habillé de vêtements dépareillés. « Les pieds nus, les cheveux incultes, le poil rare, on l’eût pris aux Antilles pour un mulâtre déserteur de l’armée de Soulouque. […] Tous ces Canaques, à l’exception de Te-Moana, étaient âgés, tatoués et nus, les vieillards complètement bleus, les autres magnifiquement bariolés. » Ce qui signifie que seul Temoana était jeune, habillé et non-tatoué. Les deux illustrations qui suivent sont d’authentiques portraits de Temoana qui abondent dans le sens de ma réflexion.
Deux portraits de Temoana. L’aquarelle de gauche a été peinte en décembre 1844 par René Gillotin.
Le deuxième dessin a été exécuté en 1848 par Adèle de Dombasle.
Il est clair que Temoana n’était pas tatoué et que, par conséquent, il ne peut être le personnage faisant face à Dupetit-Thouars.
2) - Côté Tahuata : portraits de Iotete, chef des Hema de Vaitahu
La légende la plus ancienne dit « L’amiral Dupetit-Thouars chez le roi Iotete ». Sous l’édition la plus récente, il est écrit « L’amiral Dupetit-Thouars (assis à droite) en conversation avec le roi Iotete. Voyons si les portraits écrits et dessinés par Radiguet correspondent à l’illustration.
Le 29 avril 1842, le chef Iotete monte à bord de la Reine Blanche ; voici la description qu’en fait Max Radiguet à la page 33 de son journal :
« Le roi de Tahuata était un Canaque de haute taille et d’un embonpoint florissant. Son visage, aux traits réguliers, offrait les traits bien connus du type bourbonien. Un buste de Louis XVIII trempé dans de l’indigo donnerait une idée exacte de Iotete. Ses cheveux, très longs sur le haut du crâne, tordus et noués à leur naissance, formaient une touffe au-dessus de la ligature. Sa peau, envahie par le tatouage, était entièrement bleue. Comme tous ses sujets, il était nu, à l’exception d’une ceinture d’étoffe indigène roulée en corde ».
Max Radiguet nous a aussi laissé deux portraits de Iotete réalisés à ce moment-là, en mai 1842.
Page 50 de son livre, Radiguet commente la tenue du roi qui lui avait été donnée par les Français. « C’était un habit du temps de Louis XV, en peluche rouge, galonné sur toutes les coutures et chargé d’une massive paire d’épaulettes. Un diadème en carton doré, enjolivé de verroteries, ombragé de plumes peintes, couvrait sa tête et faisait ressortir sa face bleue. »
Dans l’illustration dont la légende pose question, les pieds du ènata en uniforme sont bien tatoués mais son visage aussi, ce qui n’apparaît pas dans les illustrations de Radiguet. Si la scène se déroule bien chez Iotete, ce n’est pas lui qui y est représenté.
3) - Le troisième homme : Maheono, chef de Hema de Hapatoni, et neveu de Iotete
Max Radiguet a aussi dessiné la scène de l’annexion des Marquises-sud le 1er mai 1842 à Vaitahu, sur l’île de Tahuata.
En grand uniforme d’amiral, Dupetit-Thouars frappe le sol de son épée en signe d’annexion. De l’autre côté du mât, on aperçoit quatre personnes debout l’une à côté de l’autre. Iotete porte un pantalon blanc ; il tient son éventail de chef (tāhii) à la main droite et a remplacé sa couronne de pacotille par un magnifique taavaha composé de cinq cents plumes caudales de coq. À sa gauche se tient le Père François de Paule Baudichon, supérieur des missionnaires français ; il sert d’interprète aux cérémonies. Avec le second missionnaire qui se tient à sa gauche, ils sont à Vaitahu depuis août 1838.
À droite de Iotete se tient son neveu Maheono, chef de Hapatoni, l’autre grande vallée du sud-ouest qui fait aussi partie de la tribu des Hema. Toujours à la page 50 de son livre, voici le portrait que Radiguet en donne. « Maheono pouvait avoir de vingt-cinq à trente ans. La disposition de son tatouage, dont les bandes horizontales lui couvraient le nez et la bouche, sa chevelure noire et frisée qui, contrairement aux habitudes du pays, s’éparpillait en désordre autour de sa tête, donnaient à sa physionomie, naturellement expressive, un certain caractère de fierté et d’audace. Il était vêtu d’un habit rouge et d’un pantalon bleu ciel. »
Maheono, chef de Hapatoni, peint par Max Radiguet en 1842
Grâce à la technique informatique, agrandissons le personnage de profil faisant face à Dupetit-Thouars dans l’illustration qui pose question, et comparons-le avec un agrandissement du portrait de Maheono à la cérémonie d’annexion.
Nous constatons une grande similitude de chevelure et de vêtement. N’oublions pas que, après la cérémonie des couleurs, les officiels ont assisté à une messe chez les missionnaires après laquelle ils se sont rendus chez Iotete pour signer les actes officiels d’annexion des Marquises-sud. Les participants n’ont pas eu le temps de changer de vêtements. Même si le premier agrandissement n’est pas très net, on peut voir que la veste est identique, ainsi que la coupe de cheveux. Le trait du dessin étant très fin sur la première illustration, on ne voit pas les tatouages du visage, mais je dirais que c’est bien la même personne. De surcroît, à la cérémonie, les seuls Marquisiens à être vêtus à l’européenne étaient Iotete et Maheono, mais la veste de Iotete était différente et, d’après les gravures représentant le chef, on ne voit pas de tatouages sur son visage.
La scène de conciliabule avec Dupetit-Thouars se déroule donc bien chez Iotete à Vaitahu, et l’homme de profil est bien son neveu Maheono.
Il reste encore une question sans réponse : qui est le grand-prêtre/tāuà installé entre les deux ?
Cliquer ici pour lire l’article racontant la vie connue et la mort de Maheono !
D) - ÉPILOGUE
Le 10 mai 2017, jour où j’ai commencé à rédiger cet article, j’envoyais un courrier au Service historique de la Défense basé à Vincennes et qui détient l’original du journal de Max Radiguet et de son album illustré. Joignant une copie de l’illustration qui pose problème, je demandais aux responsables de ce service de bien vouloir jeter un coup d’œil dans l’ouvrage concerné et de m’indiquer la légende écrite de la main de Radiguet.
Un mois après, le 7 juin, je reçois un courrier du service concerné m’indiquant que la légende est :
« L’amiral Dupetit-Thouars chez Iotete roi de Tahuata, Nuku Hiva »
Pourquoi Radiguet a-t-il rajouté le nom de Nuku Hiva après celui de Tahuata ? Peut-être a-t-il terminé ce dessin à Nuku Hiva ?
Quoiqu’il en soit, nous savons maintenant avec certitude qu’il s’agit bien de la maison de Iotete à Vaitahu (Tahuata). Seule l’édition de Max Radiguet de 1929 était donc dans le vrai.
Pour les personnages représentés, je m’en tiens à mes conclusions : le personnage regardant Dupetit-Thouars est Maheono mais celui qui nous fait face, chef/hakaìki ou grand-prêtre/tāuà, nous reste inconnu.
II) - LE VRAI VISAGE DE PAKOKO, CHEF DE HAAVAO, HIKOEI ET PAKIU À TAIOHAE
*- La première fois que l’on entend parler de Pakoko, c’est en 1835. Au cours de cette année-là, le navire américain Vincennes du capitaine Thomas Jones fait escale à Taiohae. Il envoie des « marines » pour capturer Pakoko, chef de Pakiu et Haavao, accusé d’avoir tué et mangé un écumeur de grèves américain qui aurait volé des patates douces/kūmaa, et distribué à manger un porc tapu.
*- À la page 70 de son ouvrage « Vie quotidienne aux îles Marquises, 1792-1842 », Dominique Pechberty nous apprend aussi que Pakoko se faisait appeler Miko, de Domingo, nom d’un beachcomber/écumeur de grèves noir qu’il avait tué pour lui avoir volé un porc.
*- Aux pages 84 et suivantes de son « Catalogue raisonné », le journaliste français Edmond de Ginoux explique comment, en 1843, il contribue à la guérison de son ami Pakoko.
Dans la première partie de cet article, j’avais expliqué comment la légende erronée de l’illustration de Max Radiguet avait conduit à faire croire aux lecteurs de l’époque que le personnage de face pouvait être Pakoko.
Nous avons démontré que la scène se déroulait à Vaitahu, si nous ne savons toujours pas qui était ce personnage important, chef-hakaìki et/ou grand-prêtre/tāuà, nous sommes certains que ce n’était pas Pakoko.
Maintenant, grâce à mes recherches incessantes, je peux vous proposer trois portraits du grand chef.
1) - Le premier portrait date de 1838
Le chef Pakoko dessiné à Taiohae en août 1838 par Ernest Goupil.
Ce portrait a été exécuté lors de son passage de Dumont d’Urville à Nuku Hiva. Il apparaît dans les illustrations de son « Voyage autour du monde » avec la légende « Habitants de Nuka Hiva - chef en costume de guerre ». Pakoko y est présenté avec deux autres chefs mais on ne dit pas qu’il s’appelle Pakoko ; néanmoins, si on le compare avec l’illustration suivante, on constate de nombreuses ressemblances
2) - Le deuxième portrait :
La légende dit : « Pakoko, album de voyages entre 1842 et 1844.
Dessin à l’encre (50x80cm). Don du capitaine Jean-Daniel Rohr,
commandant des canonniers et ouvriers de marine à Nuku Hiva entre 1842 et 1843
(collection particulière Michel Denis et Françoise Rohr).
Ce portrait est extrait du catalogue de l’exposition « Matahōata » de 2016 au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac.
La ressemblance avec l’illustration précédente n’est-elle pas frappante ?
3) - Le troisième portrait date de décembre 1844. C’est une aquarelle réalisée par l’officier de marine René Gillotin. Elle est extraite d’un quadruple portrait de Temoana, de son épouse Tahiaòko (dont c’est la seule représentation connue), de Pakoko et du grand-prêtre/tāuà de Hikoèi, Veketū.
Le caractère émouvant de ce portrait de Pakoko réside aussi dans le fait que c’est la dernière représentation connue du grand chef. Trois mois plus tard, le 21 mars 1845, il sera fusillé pour avoir fomenté l’embuscade ayant causé la mort de cinq marins français à Taiohae en février 1845.
Cliquer ici pour lire l’article racontant la vie connue et la mort de Pakoko !
En ce début du mois de décembre 1844, l’officier de marine René Gillotin nous laissait aussi en souvenir une aquarelle magnifique de la plage de Vainahō et du Fort Collet de Taiohae.
CONCLUSION
Réalisées par des artistes soucieux de préserver un instant, une scène révolus ou un personnage désormais disparu, les illustrations anciennes des Marquises et des Marquisiens nous permettent, des décennies plus tard, de mieux appréhender la culture ancestrale. Mais, au lieu de nous éclaircir, il arrive parfois que des légendes erronées nous induisent en erreur.
Concernant l’illustration de Radiguet, si mon argumentation est correcte, j’espère avoir contribué à la recherche de la vérité historique en localisant la scène à Vaitahu et en restituant le nom de Maheono au chef ènata faisant face à Dupetit-Thouars.
De même, déduire de mon enquête que le grand chef de Haavao, Pakiu et Hikoèi ne pouvait se trouver là avec Dupetit-Thouars, m’a fourni l’occasion de vous faire découvrir le vrai visage de Pakoko.
ÉPILOGUE
Quelques jours seulement avant la publication de cet article en septembre 2019, j’ai eu entre les mains l’ouvrage de Christine A. Hemmings intitulé « L’Art des Voyages français en Polynésie, 1768-1846 ». Comme son nom l’indique, le livre regroupe de nombreuses illustrations exécutées par des artistes français à la période donnée. L’illustration de Radiguet commentée plus haut y figure en bonne place et l’auteure y précise que le personnage marquisien de gauche est bien Maheono, neveu de Iotete.
Rédigé par Jacques Iakopo Pelleau en 2017 ; mis à jour en 2019, 2021 et 2022.
Mis en conformité avec la graphie académique marquisienne le 21/08/2022.
BIBLIOGRAPHIE
Dening, Greg : « Marquises 1774-1880, Réflexion sur une terre muette », édition de l’Association « Èo Ènana », Tahiti, 1999.
Grandville, Frédéric de la : « Edmond de Ginoux, catalogue des objets ethnographiques composant ma collection-1866 », L’Harmattan, Paris, 2001
Hemmings, Christine A. : « L’Art des Voyages Français en Polynésie, 1768-1846 », Somogy éditions, 2013
« Matahōata, art et société aux îles Marquises », catalogue de l’exposition 2016, Musée du Quai Branly-Jacques Chirac+Actes Sud, Paris, 2016.
Pechberty, Dominique : « Vie quotidienne aux îles Marquises, 1797-1842 », L’Harmattan, Paris, 2014
Radiguet, Max : « Les Derniers Sauvages », éditions Duchartre et Van Buggenhoudt, Paris, 1929.
Radiguet, Max : « Les Derniers Sauvages », éditions Phébus, Paris, 2001.
Steinen, Karl von den : « Les Marquisiens et leur Art ; tome III, les collections », éditions « Au vent des Îles », Tahiti, 2016