I) - Autour du mot « servir »
A)- Que disent les dictionnaires ?
1) - À la page 184-II du dictionnaire de Mgr Dordillon, on trouve :
*- Servir à quelque chose : « E aha ta ù mea e koàka ? » (À quoi cela me sert-il ? Qu’est-ce que j’y gagne ?)
*- Servir le repas : « E haanoho i te kai, e auau i te kai, e haapei i te kaina ». Pour cette acception, l’Académie propose : « E tuha i te kai », page 129 de « Mou Pona Tekao ».
2) - Toujours page 184-II de son dictionnaire, Mgr Dordillon écrit :
*- Service : « hana, haka », et « pure meta » pour le service divin.
*- Serviteur : « tueni, pahikaèo ». Il est intéressant de noter que c’est là le mot choisi par l’Académie pour désigner le Haut-commissaire de la République en Polynésie française : « te Pahikaèo o te Hau farani », p. 153.
*- Servant, servante : « tautua, tueni, pahikaèo ». Notons la spécificité de « tautua » dont l’étymologie de « porter sur le dos » est révélatrice de la fonction de ce serviteur dont le rôle était de porter sur le dos son chef ou tout hôte de marque au passage des cours d’eau.
3) - Page 258-I, on trouve le mot tahitien de « tāvini » avec les significations de « domestique, serviteur, servant » avec l’exemple de « tāvini pure meta », « servant de messe ».
4) - Le dictionnaire de l’Académie tahitienne nous dévoile que le mot « tāvini » provient de l’anglais « servant », et qu’il signifie « serviteur » aussi bien que « servir » (page 478).
On sait que les premiers prêcheurs protestants tahitiens sont arrivés aux Marquises en 1826 ; tout au long des années 1830, ils ont été suivis d’autres, britanniques et américains, accompagnés de serviteurs hawaiiens ou tahitiens, car les Marquisiens n’avaient jamais accepté de travailler pour eux. Outre l’élaboration de l’alcool de coco/namu èhi qu’ils ont appris de ces serviteurs, les Marquisiens ont dû aussi leur emprunter le mot « tāvini » que les pasteurs anglo-saxons utilisaient pour qualifier leurs propres domestiques.
Quant aux serviteurs des prêtres « tāuà », ils se nommaient « moa », « ùu » et « veveahu » selon leur rôle et fonction.
II) - Utile ou inutile ; qui sert, ou qui ne sert à rien
1) - À la page 199-II de son dictionnaire, Mgr Dordillon ne propose que le mot « meitaì » pour traduire « utile ».
2) - Face à cette pauvreté, nombreux sont ceux qui, de nos jours, utilisent « taetae oko », mot qui signifie surtout « important, précieux ».
3) - Parfois, « utile » est pris pour signifier « pratique » dont on ne trouve de traduction nulle part. Il faut alors regarder à « faciliter » page 98-II pour trouver « haakoàka, haamaeka ». Un objet pratique, donc utile, pourrait alors se traduire par « he mea/mēmau haamāeka i te hana ».
4) - À la page 121-II, pour « inutile », on trouve : « avai noa, tupe noa ».
Ces mots se réfèrent au caractère ordinaire, commun, vil ou de faible importance des entités qu’ils qualifient. On peut leur ajouter « puènoa, pukenoa, pitivi, tupepaka ». On obtient ainsi l’exemple « Il est inutile de crier/cela ne te sert à rien de crier », « He mea avai noa to òe taaàu atu ».
5) - Dans le dictionnaire de Mgr Dordillon, pour traduire la notion d’inutilité, j’ai aussi découvert les perles qui suivent :
*- Page 283-I, « U ùhane/kuhane koè noa ia òe », « Tu t’efforces inutilement ; tu te casses la tête pour rien ; tu te fatigues pour rien ».
*- Page 219-I « U peàki hoì te peàu atu », « Il est inutile de demander ; ça ne sert à rien de demander ». Le « peàki », ou chirurgien élancé (acanthurus mata), est si difficile à capturer que c’est le seul poisson qu’on ne partage pas ; il est donc inutile d’en réclamer à ses amis pêcheurs. Jolie métaphore, non ?
Rédigé par Jacques Iakopo Pelleau en 2015
Mis en conformité avec la graphie académique marquisienne le 22/08/2022.
(À l'exception des mots extraits des dictionnaires anciens pour lesquels la graphie originale a été conservée.)